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Après avoir viſité mes genoux et mes hanches, elle me dit, qu’il me falloit un peu ſouffrir, mais que le lendemain je me trouverois guéri : je devois ſeulement tenir toute la nuit les ſerviettes imbibées, qu’elle appliqua ſur mes playes, et dormir ſans jamais bouger. J’ai bien ſoupé, et après je l’ai laiſſée faire : je me ſuis endormi pendant qu’elle m’opéroit, car je ne me ſuis jamais ſouvenu de l’avoir vue me quitter. Tout ce que j’ai pu rappeller à ma mémoire le lendemain fut, que j’ai mangé, et bu avec un excellent appetit, et que je me ſuis laiſſé déshabiller comme un enfant : je n’avois ni courage, ni peur, je ne parlois pas, je ne penſois pas ; j’ai mangé pour ſuppléer à la néceſſité que j’avois de nourriture, et j’ai dormi cédant à un beſoin, auquel je ne pouvois pas reſiſter : j’ignorois tout ce qui dépendoit d’un certain raiſonnement. Je n’ai jamais ſu ni avec quelle eau elle me frotta, ni ſi j’ai ſouffert pendant qu’elle me frottoit. Il étoit une heure de nuit, lorsque j’ai fini de manger, et le matin en me réveillant, et entendant ſonner douze heures, j’ai cru que c’étoit un enchantement, car il me ſembloit que je ne m’étois endormi que dans ce moment là. Il m’a fallu plus de cinq minutes