Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Val de piadene, ce qui me ſurprit à cauſe du chemin que j’avois fait. Je lui ai demandé le nom des maîtres de cinq à ſix maiſons que de cette éminence je voyois à la ronde, et j’ai trouvé qu’ils étoient tous de ma connoiſſance, et tous à la campagne dans cette ſaiſon là, où les venitiens vont tous faire la Sainmartin quelque part ; je devois avec grand ſoin éviter la rencontre de qui que ce fût. J’ai vu un palais de la maiſon Gr., dont un vieillard, qui étoit préciſément alors inquiſiteur d’état, s’y trouvoit ; je ne devois pas me laiſſer voir. J’ai demandé à qui appartenoit une maiſon rouge que je voyois à quelque diſtance, et ma ſurpriſe fut grande, lorsque j’ai ſu que c’étoit la maiſon du capitaine de campagne qui eſt le chef des archers. J’ai dit adieu au payſan, et machinalement j’ai deſcendu la colline : il eſt inconcevable que je me ſois acheminé à cette terrible maiſon, dont raiſonnablement, et naturellement j’aurois dû m’éloigner ; j’y ai été en droite ligne, et en vérité je ſais que je n’y ai pas été d’une volonté déterminée. S’il eſt vrai que nous poſſédions tous une exiſtence inviſible bienfaiſante qui nous pouſſe à notre bonheur, comme il arrivoit quelque-fois à Socrate, pour-