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vu cela s’en étoit allé. J’ai aſſuré mon hôteſſe de lui faire obtenir une éclatante ſatisfaction ; et ſans la moindre inquiétude je me ſuis mis au lit.

Je me ſuis levé à midi pour aller dîner chez M. de Br…, auquel j’ai expoſé le fait, et repréſenté la néceſſité de procurer à cette femme une ſatisfaction proportionnée, puisque les lois garantiſſoient la tranquillité de toute maiſon exempte de crime. Je lui ai dit que le mal aviſé miniſtre devoit pour le moins perdre ſa charge. Ce ſage vieillard, après m’avoir écouté très-attentivement, me dit qu’il me répondroit après dîner. Nous paſſâmes deux heures fort-gayement avec deux autres nobles auſſi dévots, et pieux que lui, quoique moins âgés, tous les deux mes tendres amis, et penſans comme lui ſur mon compte. L’étroite liaiſon de ces trois reſpectables perſonnages avec moi étoit le ſujet de l’étonnement de tous ceux qui l’obſervoient : on en parloit comme d’un rare phénomène, dont la cauſe devoit être myſtérieuſe ; car on ne pouvoit pas comprendre comment le caractère des trois pût convenir avec le mien, comment le mien pût ſe conformer au leur, eux tous éternité, et vertus,