Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le plus remarquable. Je lui ai vivement peint tout le déplorable de mon état, et le beſoin indiſpenſable que j’avois de repoſer dix heures libre de toute crainte, affoibli comme j’étois par une laſſitude, qui me rendoit comme perclus de tous mes membres. Je lui ai montré mes genoux, mes jambes, et mes pieds avec des veſſies, car les ſouliers fort-minces que j’avois n’étant faits que pour marcher ſur le beau pavé de Veniſe étoient tout déchirés. Je devois ſans nulle exagération, périr de langueur dans la même nuit, ſans un bon lit ; et je devois exclurre tous ceux des auberges. À l’heure même où je parlois, un ſeul homme auroit pu me garrotter, et me mener en priſon, car je n’aurois pu lui faire aucune réſiſtence. En lui repréſentant cela, je l’ai convaincu qu’allant chercher un gîte tous les deux enſemble nous risquions d’être arrêtés ſur le champ, ſur le ſimple ſoupçon que nous aurions pu être les deux qu’on cherchoit. Mon cher compagnon me laiſſa terminer mon discours ſans jamais prononcer le mot, et m’écouta toujours avec la plus grande attention.

Pour toute réponſe il me dit en peu de mots qu’il s’attendoit à tout ce que je venois