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Quatre heures après je me ſuis arrêté derrière un hameau, et j’ai ſu d’une bonne payſanne que j’étois à vingt milles de Treviſo. J’étois extrêmement las, et j’avois les jambes enflées aux chevilles : il ne nous reſtoit plus qu’une heure de jour. Je me ſuis couché au milieu d’un bouquet d’arbres, et j’ai fait aſſeoir près de moi mon compagnon. Je lui ai dit avec le ton de la plus tendre amitié que nous devions aller à Borgo di Val Sugana première bonne ville qu’on trouve au delà des confins de la république, ville appartenant à l’évêché de Trente, où nous ſerions auſſi ſûrs qu’à Londres, et où nous pourrions nous repoſer autant qu’il nous ſeroit néceſſaire pour recouvrer entièrement nos forces : mais que pour parvenir à cette ville nous avions beſoin de prendre des précautions eſſentielles, dont la première étoit celle de nous ſéparer en y allant lui d’un côté, moi d’un autre, lui par le bois du Mantello, moi par les montagnes, et par Feltre, lui par la plus facile, et avec tout l’argent que j’avois, moi ſans le ſou, et par la plus difficile. Je lui ai dit que je lui faiſois préſent de mon manteau qu’il auroit pu très-facilement troquer contre une capotte, et un chapeau, et que pour lors