Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/237

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de ce moine contribua beaucoup à me faire croire un charlatan, ou un aſtrologue, car mon habit gêloit les yeux de tous ceux qui me regardoient.

La gondole ſe détacha vite du rivage, doubla la douane, et commença à fendre avec vigueur les eaux du grand canal de la Giudecca, par lequel il faut paſſer, tant pour aller à Fuſine, comme pour aller à Meſtre, où effectivement je voulois aller. Lorsque je me ſuis vu à la moitié du canal, j’ai mis la tête dehors, et j’ai dit au barcarol de poupe : crois-tu que nous ſerons à Meſtre avant quatorze heures ? J’avois entendu ſonner treize heures, lorsque Andreoli ouvroit la grande porte. Le barcarol me répondit que je lui avois ordonné d’aller à Fuſine ; et je lui ai répondu qu’il étoit fou, puisqu’à Fuſine je n’avois rien à faire. Le ſecond barcarol me confirma que j’avois ordonné à Fuſine, et appella en témoin le père Balbi, qui me dit avec un viſage à faire pitié qu’il avoit une conſcience, et qu’il devoit donner raiſon aux barcaroli. Je me rends, dis-je, avec un grand éclat de rire, je n’ai pas dormi cette nuit, et il ſe peut que j’aie dit à Fuſine ; c’eſt à Meſtre que je veux aller. Et nous, répondit le barcarol, irons à