Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/232

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réveil ſous la lucarne jusqu’à celui-là, il étoit paſſé une ſeule heure. L’affaire importante qui m’occupa pour une demi heure, tandis que le moine déliroit, fut celle de me changer de tout. Le père Balbi avoit l’air d’un payſan ; mais il n’étoit pas en lambeaux ; ſon gilet de flanelle rouge, et ſes culottes de peau violette n’étoient pas déchirés. Ma perſonne faiſoit peur, et horreur, j’étois tout déchiré, et tout en ſang, j’ai détaché mes bas de ſoie de deux playes que j’avois une à chaque genou ; et elles ſaignoient : les plaques de plomb, et la goutière m’avoient mis dans cet état là. Le trou de la porte de la chancellerie m’avoit déchiré gilé, chemiſe, culottes, hanches, et cuiſſes ; j’avois par tout des écorchures effrayantes. J’ai déchiré des mouchoirs, et je me ſuis fait des bandages par tout comme j’ai pu en les liant avec de la ficelle, dont j’avois un peloton dans ma poche. J’ai mis mon joli habit qui dans ce jour aſſez froid devenoit comique ; j’ai arrangé au mieux mes cheveux que j’ai mis dans la bourſe ; j’ai mis des bas blancs, une chemiſe à dentelle, car je n’en avois pas d’autre eſpèce, et deux autres chemiſes, des mouchoirs, et des bas dans mes poches, et