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l’ai pouſſé dehors où il faiſoit très-ſombre ; mais je ne m’en ſouciois pas, car je connoiſſois le local. Lorsque mon compagnon fut dehors, j’y ai jetté tout ce qui m’appartenoit, et j’ai laiſſé dans la chancellerie les cordes. J’ai mis un autre tabouret au-deſſus des deux, l’un voiſin à l’autre, et j’y ai monté deſſus. Le trou alors ſe trouva vis-à-vis le haut de mes cuiſſes. Je m’y ſuis fourré jusqu’à mon bas ventre avec quelque difficulté, puisqu’il étoit étroit, et lorsque je n’ai plus pu m’avancer par moi-même, n’ayant perſonne, qui me pouſſât par derrière, j’ai dit au moine de me prendre à travers, et de me tirer dehors impitoyablement, et par morceaux, s’il étoit néceſſaire. Il exécuta mon ordre, et j’ai diſſimulé toute la douleur que j’ai reſſentie au déchirement de ma peau aux flancs, et au-devant des cuiſſes. D’abord que je me ſuis vu dehors, j’ai ramaſſé vite mes hardes, j’ai deſcendu deux eſcaliers, et j’ai ouvert ſans nulle difficulté la porte qui étoit au bout du ſecond : ſa ſerrure étoit de celles qu’on appelle à Veniſe à la tedeſca, que pour ouvrir par dehors il faut la clé, et qu’on ouvre par dedans en tirant un reſſort. Je me ſuis vu dans l’allée où il y a la grande porte de l’eſ-