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mencé à faire ſemblant de prier. Une heure après, cet animal qui n’avoit jamais ouvert la bouche ni bougé de ſa paillaſſe s’aviſa de me demander à quelle heure l’ange devoit deſcendre du ciel, et ſi nous entendrions quelqu’indice de ſon arrivée. Je ſuis ſûr, lui répondis-je, qu’il viendra à dix-neuf heures, que nous entendrons ſon travail, et qu’il s’en ira à vingt-trois, et il me ſemble que pour un ange c’eſt aſſez que de travailler quatre heures de ſuite. Une demi-heure après il me dit que je pouvois avoir rêvé. Je lui ai répondu froidement que j’étois ſûr que non ; et je lui ai ajouté qu’il devoit me jurer de quitter le métier d’eſpion. Il s’étendit ſur ſa paillaſſe, et il dormit deux heures. À peine réveillé, il me demanda s’il pouvoit différer à me prêter le ſerment de quitter le métier qu’il faiſoit jusqu’au lendemain ; et je lui ai dit qu’il étoit le maître de différer jusqu’au dernier moment de mon ſéjour dans le cachot ; mais que je ne le conduirois jamais avec moi que préalablement il ne m’ait prêté le ſerment que la ſainte vierge ſa protectrice exigeoit. J’ai alors obſervé ſa ſatisfaction, car en lui-même il étoit ſûr que l’ange ne viendroit pas. Toutes les heures avant les dix-neuf lui furent fort-longues,