Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/177

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ne puiſſe jamais par mon ſtyle réléver ma ruſe. Ces lettres étoient faites pour me concilier la pitié, et l’eſtime des trois tout puiſſans qui me tenoient dans un ſi dur esclavage : elles étoient adreſſées à M. de Br…, et à M. de Gr… : je les priois de me conſerver leur bonté, de ſe tenir tranquilles, et de ne s’affliger aucunement ſur mon ſort, puisque la douceur avec laquelle je me voyois traité me faiſoit eſpérer d’obtenir bientôt ma grâce ; je leur diſois qu’ils trouveroient à ma ſortie que cette détention bien loin de m’avoir fait du mal m’avoit été néceſſaire ; que perſonne à Veniſe n’avoit eu plus beſoin de réforme que moi. Je priois M. de Gr… de m’envoyer quelques flacons de vin de Poleſelle, et M. de Br… de m’envoyer l’hiſtoire de Veniſe de Contarini, et des bottes très-larges doublées de peau d’ours avant l’hiver, car me trouvant dans un cachot où je pouvois marcher de bout j’avois beſoin de tenir mes jambes chaudes. Je n’ai pas voulu que Soradaci ſache que mes lettres étoient innocentes à ce point là, car, s’il l’avoit ſu, il lui ſeroit peut-être venu le caprice de faire une action d’honnête homme. Il les couſut à ſa veſte.