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Michel, et je lui ai recommandé toute l’adreſſe dans le moment où il recevroit le plat ſur le livre des mains de Laurent, car ce paſſage des mains à mains devoit être le moment le plus critique pour la fatale découverte du verrou. Je lui ai dit de ſe bien garder de jetter ſes yeux impatiens ſur les deux bouts du livre, puisque par nature les yeux de Laurent ſe tourneroient alors vers le même endroit, et il verroit l’excédent, et tout ſeroit perdu.

La veille de cet heureux jour j’ai enveloppé l’eſponton dans du papier, et je l’ai enfoncé dans le doſſier du livre ; et au lieu de laiſſer l’excédent de deux pouces d’un côté, je l’ai diviſé en deux : il ſortoit la méſure d’un pouce à droite, et d’un pouce à gauche : n’y ayant aucune raiſon pour que Laurent doive regarder les coins du livre plus d’un côté que de l’autre, j’ai cru en diviſant cet excédent de diminuer le danger de la moitié.

Laurent parut de grand matin avec une grande chaudière où les macaroni bouillonnoient ; j’ai d’abord mis le beurre ſur le réchaud pour le fondre, et j’ai pris préparé mes plats arroſés de fromage : j’ai la cuillère percée, et j’ai commencé à les remplir en y