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la fraction du pavé. J’ai envoyé un livre le lendemain, et j’en ai reçu un autre, où j’ai trouvé une lettre du père Balbi de ſeize pages : le comte Asquin ne m’a jamais écrit. Ce moine m’écrivit l’hiſtoire cauſe de ſon infortune. Il étoit ſous les plombs depuis quatre ans, parcequ’il avoit eu pluſieurs batards, qu’il avoit voulu reconnoître pour ſes fils naturels en les faiſant baptiſer ſans aucune réſerve ſous ſon nom. Le père ſupérieur l’avoit corrigé la première fois ; l’avoit menacé la ſeconde ; mais à la troiſième il avoit porté ſes plaintes au tribunal, qui l’avoit fait enfermer ; et le ſupérieur lui envoyoit ſon dîner tous les matins. Il employoit quatre pages à ſe défendre où il diſoit mille pauvretés : entre autres il ſoutenoit que ni ſon ſupérieur, ni les inquiſiteurs d’état pouvoient avoir des droits ſur ſa conſcience, et que par conſéquent ce qu’ils exerçoient ſur lui n’étoit que tyrannie, et violent deſpotisme ; il diſait que ſachant en conſcience que ſes enfans étoient de lui il ne pouvoit pas les fruſtrer des avantages qu’ils pouvoient retirer de ſon nom ; et qu’un homme d’honneur ne pouvoit envoyer à l’hôtel Dieu (qui a Veniſe s’appelle la Pietà) que ceux nés d’inceſte, dont