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comme d’une excellente plume, en mettant le petit doigt entre le pouce, et l’index. Enchanté de ma belle invention j’ai fait le catalogue des livres que j’avois, et je l’ai placé dans le doſſier du même livre. Tous les livres reliés en carton en Italie ont ſous la reliure par derrière une eſpèce de poche. Sur le même livre là où l’on écrit le titre j’ai écrit : latet, quere. Impatient de recevoir une réponſe j’ai dit à Laurent dans le matin du jour ſuivant que j’avois déjà lu tout le livre, et que la même perſonne me feroit plaiſir à m’en envoyer un autre. Laurent me porta ſur le champ le ſecond tome de Wolff. Il me dit que la perſonne n’avoit pas voulu différer pour me faire un ſi petit plaiſir. J’en fus fâché ; car je déſirois une réponſe.

D’abord que je fus ſeul j’ai ouvert le livre, et j’y ai trouvé une courte lettre en latin ſur laquelle j’ai lu : nous deux qui ſommes enſemble dans cette priſon, reſſentons le plus grand plaiſir que l’ignorance d’un avare nous procure un avantage ſans exemple. Moi qui écris ſuis Marin Balbi noble venitien régulier ſomasque. Mon compagnon eſt le comte André Asquin noble d’Udine capitale du Frioul. Il m’ordonne de vous