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d’inanition, et réellement j’allois ſuccomber.

Ce fut le huitième jour qu’avec une voix foudroyante, et toujours à la préſence de ſes archers je lui ai demandé compte de mon argent en l’appellant infame bourreau. Il me répondit qu’il me portera mon compte dans le jour ſuivant ; mais avant qu’il ferma le cachot j’ai embraſſé avec violence le baquet des immondices, et je lui ai fait voir par ma poſture que j’allois le verſer dans le corridor s’il ne me le faiſoit pas changer d’abord. Il ordonna alors à un archer de le porter dehors, et l’air étant devenu infecté il ſe détermina à ouvrir une fenêtre ; mais lorsque l’archer me porta dedans le nouveau baquet il la referma en ſortant. J’ai crié comme un poſſédé, mais en vain. Telle étoit ma ſituation, et ayant vu que ce que j’avois obtenu avoit été l’effet des injures que je lui avois dites, j’ai décidé de le traiter encore plus mal le lendemain.

Mais le lendemain ma fureur ſe calma. Avant que de me préſenter mon compte il me donna un panier de citrons que M. de Br… m’envoyoit, et j’ai vu une grande bouteille d’eau que j’ai jugée bonne, et dans