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bord au nouvel hôte qu’il avoit ordre d’aller chez lui pour lui porter un lit, et tout ce qu’il lui ordonneroit, et que jusqu’à ſon retour il pouvoit ſe promener dans le galetas avec moi, et que le cachot avec la porte ouverte ſe purgeroit en attendant de la puanteur qui n’étoit que d’huile. Quelle ſurpriſe pour moi en l’entendant dire que la puanteur n’étoit que d’huile ! Effectivement elle venoit de la lampe que j’avois éteinte ſans la moucher. Laurent ne me faiſoit là-deſſus aucune queſtion : il ſavoit donc tout ; le juif lui avoit tout dit. Que je me ſuis trouvé heureux qu’il n’ait pas pu lui dire davantage. J’ai conçu dans ce moment là quelque conſidération pour Laurent.

Après avoir vite mis une autre chemiſe, des calçons, des bas, et une légère robe de chambre je ſuis ſorti. Le nouveau priſonnier écrivoit avec du crayon ce qu’il vouloit avoir. Ce fut lui qui dit le premier en me voyant voilà C. ; et je l’ai reconnu d’abord pour l’abbé comte de F. breſſan, âgé de vingt ans plus que moi, très-noble dans ſes procéders, aſſez riche, et aimé dans toutes les belles compagnies. Il vint m’embraſſer, et lorsque je lui ai dit que j’aurois cru de voir là haut