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je mets à la hâte les chevalets, et les planches du lit dans l’alcove ; j’y jette deſſus la paillaſſe, et les matelas ; et n’ayant pas le tems d’y mettre les draps, j’y tombe deſſus comme mort dans le moment que Laurent ouvroit déjà mon cachot. Si j’euſſe tardé un ſeul inſtant on m’auroit ſurpris. Laurent alloit me marcher ſur le corps ſi je n’euſſe pas crié. À mon cri il recula tout courbé ſous la porte, en diſant avec emphaſe hélas, mon Dieu ! je vous plains monſieur ; car on brûle de chaleur ici, comme dans une fournaiſe. Levez-vous, et remerciez Dieu qui vous envoie une excellente compagnie. Entrez, entrez illuſtriſſime ſeigneur. Ce butor ne prend pas garde à ma nudité, et voilà l’illuſtriſſime qui entre en m’esquivant, tandis que ne ſachant pas ce que je faiſois je ramaſſe mes draps, je les jette ſur le lit, et ne trouve nulle part une chemiſe que la décence m’obligeoit à me paſſer. Ce nouveau arrivé crut d’entrer dans l’enfer ; je n’avois pas encore pu voir ſa phyſionomie. J’ai entendu une voix déſolée s’écrier où ſuis-je ? où me met-on ? quelle chaleur ! quelle puanteur ! Avec qui ſuis-je ? Laurent l’appella alors dehors, en me diſant par la grille de mettre une chemiſe, et de ſortir dans le galetas. Il dit d’a-