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§ II. — LES LUTINS



Les lutins picards comprennent toute une catégorie de petits êtres créés en même temps que l’homme, souvent destinés à devenir des hommes et punis d’avoir enfreint un commandement du Seigneur en restant à l’état imparfait de nains ou de bêtes. Ils ne sont pourtant pas punis pour toujours. Une condition essentielle a été posée pour eux : trouver le nom de tous les jours de la semaine, terminer un refrain ou une chanson, etc. Ce n’est que lorsqu’un mortel les a aidés dans leur recherche qu’ils peuvent jouir de la félicité éternelle. Ils errent surtout dans les clairières des bois, sur les prairies, aux environs des marais, par les belles nuits d’été éclairées par la lune. Heureux le voyageur qui leur rend quelque service !

Souvent aussi ils se moquent des hommes perdus dans la campagne, leur jouant toutes sortes de tours, les éblouissant par des lumières qui passent devant les yeux, les importunant de leurs cris, dansant en rond autour d’eux, les épouvantant par des apparitions terribles, les égarant dans les marais et s’enfuyant en riant. Ces petits êtres sont connus sous différents noms : le Goblin, le plus malicieux de tous ; le Houppeu, qui appelle les voyageurs sur les grandes routes ; le Roulier, qui imite le bruit des voitures lourdement chargées ; la Fiole ou feu-follet, âme des enfants morts sans baptême, qui égare les passants ; la Herminette, sorte d’animal mince et long qui vous passe le soir entre les jambes ; le Mouton blanc, le Cheval sans tête, le Cheval blanc, la Chèvre noire, etc.