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malheureux, et si l’on ne pouvait voir Misère sans que Pauvreté suivît, de même quand Pauvreté passait on pouvait se dire : Misère suit.

Pauvreté et Misère en étaient donc là quand un beau jour le bon Dieu et saint Pierre vinrent frapper de bon matin à leur porte. Pauvreté aboya, Misère se réveilla et ouvrit en grommelant aux voyageurs si matineux.

— « Bonhomme Misère, dit saint Pierre, mon maître que tu vois désire que tu lui ferres son âne. En auras-tu pour longtemps ?

— Vous venez bien matin, notre maître, mais qu’importe. Vous m’avez l’air de pauvres diables, bonnes gens au fond, et je suis tout à votre service. J’aurai bientôt fait. »

Le bonhomme Misère alluma son charbon, souffla le feu et ferra l’âne en une petite demi-heure.

— « Voilà qui est fait, notre maître.

— C’est bien, dit le bon Dieu. Combien te dois-je ?

— Je vous ai dit que vous me paraissiez être de pauvres diables – sauf votre respect, notre maître ! – et je ne vous demanderai rien.

— Rien, c’est trop peu.