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Le bon Dieu sauta lestement sur l’un des chevaux et ne tarda pas à disparaître dans le lointain, en laissant derrière lui une longue traînée de poussière et d’étincelles.

— « Si le bon Dieu va ainsi, je ne m’étonne pas qu’il soit à Arras dans quelques minutes, pensait le forgeron en regardant s’éloigner le voyageur. »

Le forgeron avait sa maison hantée par un diable des plus méchants, qui ne cessait de lui jouer toutes sortes de vilains tours. Tantôt on trouvait les tisons du foyer épars par toute la maison ; tantôt le diable venait se coucher entre le paysan et sa femme et leur causait une peur effroyable ; d’autres fois, il renversait les meubles, cassait les plats, les assiettes et les verres, ou bien il appelait la nuit à la porte du forgeron comme le fait un malheureux qui demande un asile jusqu’au matin, et puis il se sauvait en riant du pauvre homme qui ne savait à quel saint se vouer pour se débarrasser de ce vilain démon.

Le forgeron cette fois tenait sa vengeance ; il voulut jouer un tour de sa façon à celui qui tant de fois était venu le narguer. Un jour donc, il se mit sur le devant de sa porte et se mit à crier d’une voix forte :