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Crépin se leva pendant la nuit, alla se rouler au beau milieu du champ de lentilles et revint se coucher tranquillement. Puis, le lendemain, il dit au diable :

— « Hier soir, une grosse bête noire est allée dans ton champ ; elle y a même écrasé bon nombre de plants de cette herbe que tu y as semée. Si tu as à m’en croire, fais bonne garde ; il ne t’en resterait pas.

— Je n’y manquerai pas, et je te remercie de ton bon avis. »

Le soir venu, le diable alla s’embusquer auprès du champ, tandis que saint Crépin se roulait dans un grand tas de plumes après s’être plongé dans un tonneau de mélasse. Ainsi déguisé, il entra dans le champ.

Le diable ne put reconnaître le saint et fut très surpris de voir un tel animal se rouler dans ses lentilles.

— « Koi ché donc d’ol bête lo ki vient abimi mes luntils[1] » s’écria-t-il. Et peu rassuré, il s’enfuit. Saint Crépin en savait assez ; il courut à la rivière et se débarrassa de la mélasse et des plumes dont

  1. « Quelle est donc cette bête qui vient abîmer mes lentilles ? »