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Dieu, que je suis malheureuse ! pensait la jeune paysanne.

Mais le mieux, puisque le fermier le voulait ainsi, était encore de se hâter d’aller aux champs accomplir ce maudit ouvrage. C’est ce qu’elle comprit sans doute, et ce qu’elle s’empressa d’exécuter.

À peine arrivée au lieu indiqué, elle s’aperçut que même en s’appliquant beaucoup au travail, il y avait encore de l’ouvrage de reste pour le lendemain matin. Que faire ? Que faire ? Aucun moyen de sortir de ce mauvais pas… à moins pourtant que le diable ne vînt l’aider en personne, ce qui était peu probable.

Il est à présumer que la jeune fille fit cette dernière réflexion à haute voix, car elle n’avait pas plus tôt achevé, qu’elle se trouva en présence d’un petit homme vêtu de vert, portant une queue et des cornes de bouc : le diable en personne, comme on pouvait le voir à son œil noir sans prunelle et à ses grands pieds fourchus.

— « Eh bien ! la belle, que me veux-tu ? Tu viens de dire que seul je pouvais t’aider, et je suis venu. Quoi qu’on en dise, je suis fort bon garçon et j’aime à tirer d’affaire les gens en peine.