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après et à cinquante pas plus loin. L’homme ou le lutin se donnait le plaisir de faire courir les jeunes paysans le long de la route d’Englebelmer et toujours il demeurait insaisissable.

On avait fini, de guerre lasse, par s’habituer à l’éternueu, et comme le lutin n’avait jamais fait de mal à personne, on en vint à ne plus craindre de passer par la route et l’on se contenta de se signer dévotement quand le bruit bien connu parvenait aux oreilles.

Un soir d’été, par un beau clair de lune, un paysan revenait d’un marché voisin. Bientôt il entendit les atchi ! de l’éternueu, mais il ne s’en inquiéta pas. Sans doute, le lutin n’avait pas autre chose à faire, car il se donna le plaisir de suivre le paysan pendant un bon quart de lieue en poussant son atchi ! incessant. À la fin, le paysan ennuyé s’écria tout à coup :

— « Avez-vous bientôt fini d’éternuer ainsi ? Que le bon Dieu vous bénisse vous et votre rhume ! »

Il n’avait pas fini ces mots qu’un fantôme revêtu d’un grand drap blanc s’offrit à ses yeux : c’était l’éternueu.

— « Merci, ami ; tu viens de me délivrer d’un