Page:Carnoy - Littérature orale de la Picardie.djvu/393

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il y a cinquante ans, la littérature orale a dû être d’une grande richesse.

À cette époque, par des raisons d’économie et de commodité faciles à comprendre, les paysans se réunissaient dans les caves ou dans une grande chambre du village pour y faire la veillée.

Chacun des habitués de la veillée apportait sa bûche ou sa tourbe ; un bon feu flambait dans la vaste cheminée ; les hommes s’asseyaient autour du feu, les uns tricotant, les autres jouant aux cartes ; plus loin les jeunes filles, et dans le fond les mères de famille et les vieilles femmes occupées à filer le lin ou le chanvre. On arrivait après souper, vers cinq ou six heures, et la veillée durait souvent après minuit. C’était un brouhaha de rouets, de voix, de chansons s’entremêlant jusqu’au moment où les hommes fatigués de parler cartes ou récoltes, les femmes de dire du mal de la mère une-telle ou du père Thomas, une des fileuses interpellât le conteur ou le chanteur en titre de la veillée, pour demander un bon vieux conte ou une chanson.

Le vieux se faisait prier un peu, histoire de chercher le conte qu’il dirait, et commençait sa légende ou sa chanson. Les rouets se taisaient, les jeunes filles et les commères cessaient de caqueter, et le conte fini,