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blin, tu vas danser avec nous jusqu’au lever du soleil ; nous voulons qu’on te voie rentrer à la ferme emportant tes deux bosses. Allons, recommençons la ronde ! »

Et deux des lutins les plus agiles saisirent le bossu par la main et l’entraînèrent dans une ronde vertigineuse. Les lutins faisaient cette fois des sauts de soixante pieds, et Pierre, entraîné par ses compagnons, devait répéter ces mêmes prodiges. Bientôt cette course folle lui devint un supplice intolérable. Il demanda grâce aux goblins : il cria, il pleura, il s’emporta, il implora ; mais les petits êtres n’en sautaient que plus fort et plus haut et la danse continuait plus furieuse que jamais.

Ceci dura jusqu’au lever du soleil. Dès que l’astre se montra sur le point de paraître, les lutins s’arrêtèrent, se consultèrent un instant et disparurent en riant et en chantant dans le bois de Mailly.

Le pauvre Pierre était resté étendu sans mouvement sur l’herbe de la prairie.

Ce ne fut que quelques heures après que des paysans à sa recherche le trouvèrent à demi-mort dans la prairie, dont l’herbe était toute foulée par les pas des lutins.