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nommé Pierre. Eh bien ! je me ferai débarrasser de ma bosse. J’irai ce soir à Albert et moi aussi je reviendrai la nuit. »

Vers le soir, Pierre le Bossu prit un bâton et s’en alla à Albert chez un de ses amis qui le retint assez tard. C’était du reste ce que désirait le paysan. Comme Thomas, il n’était guère rassuré à s’aventurer ainsi seul la nuit par la campagne. À chaque buisson d’épines ou de ronces qui se trouvait sur le talus bordant la route, il croyait trouver embusqué quelque brigand ou quelque voleur qui lui ferait un mauvais parti ; le moindre bruit le faisait frissonner et s’arrêter tout court. Il essaya de chanter : sa peur ne fit que s’accroître ; à tout instant, il lui semblait entendre des voix qui, dans le lointain, répondaient à la sienne, des voix de bandits, bien entendu, et ses cheveux se dressaient sur sa tête. Et pourtant il lui fallait chanter s’il voulait attirer l’attention des lutins… Pierre le Bossu continua donc à chanter d’une voix peu assurée et en s’interrompant cent fois pour le moins, la chanson la plus gaie qu’il avait pu trouver parmi celles à lui connues, la « Chanson des hussards » qui se font servir dans une hôtellerie