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Tremblant bien un peu, il tira le violon de son étui, qu’il jeta pour être moins embarrassé, et il commença un air triste, plaintif et doux, dicté par la circonstance.

Aux premiers sons, le loup s’arrêta, tout étonné, et se mit à trembler de tous ses membres. Et comme le violoneux marchait toujours, l’animal se remit à le suivre en hurlant, sautant, dansant, gambadant de mille façons bizarres, qui auraient fait rire le paysan en toute autre occasion. Celui-ci, reprenant son courage pour ne songer qu’à sa musique, tirait, pendant ce temps, des airs inconnus et merveilleux du mauvais violon dont il jouait.

On ne sait comment cette aventure se serait terminée pour le violoneux si de nouveaux acteurs n’étaient venus se mêler à la scène.

Attirés par cette musique divine et par les hurlements diaboliques du loup, des milliers de lutins, de passage en ce moment dans le bois d’Heilly, venaient d’envahir la route et se tenaient immobiles, muets d’étonnement et de plaisir. Il semblait que tous les lutins de la Picardie se fussent donné là rendez-vous pour ce soir. Le violoneux aperçut des « goblins, » des « houppeux, » des