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qui pût nous rendre ce service. Ton père t’a reconnu et nous a dit que tu avais bon cœur. Hâte-toi donc et conduis-nous à l’église. »

Le paysan, heureux d’obliger tous ces trépassés et en même temps satisfait d’en être quitte à si bon marché, se leva et courut au presbytère suivi des fantômes, qui le quittèrent près de l’église pour aller prendre leur place dans le chœur. Le curé ne se fit pas prier et vint officier avec le paysan pour dire les répons. Les revenants s’étaient rangés en bon ordre dans l’église, les vieillards par devant, les jeunes gens à droite et les femmes à gauche de l’entrée. À l’Évangile ils se levèrent tous avec un bruit d’ossements froissés, ils se signèrent dévotement au commencement, et à la fin ils répondirent en chœur par un Amen tel que le curé et le paysan n’en avaient jamais entendu de semblable. La messe continua, et quand le prêtre et l’homme se retournèrent pour dire l’Ite missa est, tout avait disparu ; les revenants étaient délivrés de leurs souffrances et étaient allés prendre possession du ciel.


(Conté en 1879, par M. Amédée Débart, de Warloy [Somme]).