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tion politique et pour leur avenir que ne pouvaient l’être, en 1825, les tentatives de l’école aristocratique.

M. Royer-Collard paraissait en effet s’inquiéter beaucoup plus des souvenirs de l’OEil-de-bœuf que des souvenirs des clubs, et redouter les marquis plutôt que les jacobins. Aussi, la France vit-elle se produire, au lendemain de la Révolution de 1830, un phénomène des plus étranges : l’homme illustre, qui avait concouru d’une façon décisive, comme orateur et comme président de la Chambre, au triomphe du droit parlementaire, disparut en quelque sorte dans sa victoire, au moment où l’Assemblée, si justement appelée sa classe, constituait, en la symbolisant dans une dynastie nouvelle, cette monarchie bourgeoise que M. Royer-Collard avait dogmatiquement annoncée comme la conséquence finale et le dernier mot de la Révolution française.

Quinze ans après l’époque où me reportent ces souvenirs, il m’est arrivé de siéger à côté de M. Royer-Collard sur les bancs de l’Assemblée dont il avait été le dominateur suprême. En le voyant silencieux et morose dans cette salle qui lui faisait, me disait-il, l’effet d’une place publique, tant il y coudoyait d’inconnus, où d’ailleurs il n’épargnait au pouvoir dont il avait été l’initiateur ni les exigences, ni les épigrammes, je remontais aux jours où sa parole, avidement attendue, remuait la conscience publique dans ses dernières profondeurs. La France avait encore plus changé que l’orateur, et la pensée du pays avait pris un autre cours. Ce que M. Royer-Collard avait si longtemps considéré