Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assistait alors à la lutte de deux écoles donnant l’une et l’autre à la révolution française un sens et une portée entièrement contraires. L’éloquence parlementaire revêtit une physionomie à la fois moins dogmatique et moins passionnée sous la monarchie de 1830 ; car, après le triomphe définitif de la souveraineté nationale, les questions théoriques qui avaient si longtemps divisé les esprits se trouvèrent en quelque sorte enterrées dans l’abîme où s’était englouti tout le vieux droit traditionnel.

De 1820 à 1830, la gauche, écartée du pouvoir par une sorte de barrière infranchissable, combattait d’ailleurs pour des idées, sans avoir à se préoccuper beaucoup des portefeuilles, les calculs personnels tenant alors très-peu de place dans la stratégie parlementaire. L’orthodoxie politique de ce parti était surveillée par Dupont (de l’Eure), borne de granit, qu’une révolution ne put même déplacer. Ce caractère dogmatique se révélait plus nettement encore pour la droite, devant laquelle M. de Donald déroulait, telles qu’il les comprenait lui-même, les lois primitives de la famille et de la société, accumulant avec un esprit infini des analogies toujours ingénieuses, lors même qu’elles portaient moins sur les idées que sur les mots, et qu’elles semblaient quelquefois tourner au calembour.

Droit suprême du prince, source de toute souveraineté comme de toute justice ; droit de la nation dominant le droit de la couronne : tels étaient, durant la Restauration, les deux pôles de la métaphysique gouvernementale, pôles que la révolution de Juillet eut