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CHAPITRE II

LES PARTIS ET LES ÉCOLES SOUS LA RESTAURATION


Une circonstance imprévue m’ouvrit dans le même temps quelques percées sur le monde de l’opposition, qui m’inspirait de loin sinon beaucoup de sympathie, du moins beaucoup de curiosité. M. de Kératry, élu député aux élections de 1819, était venu prendre place dans les rangs de la gauche. Il avait épousé la sœur de ma mère ; nous vivions à la campagne fort près l’un de l’autre, et la mort prématurée de ma tante, qui ne lui laissa point d’enfants, n’avait rien changé à nos relations d’intimité. Quoique possédant les qualités natives d’un parfait gentilhomme, M. de Kératry était alors la bête noire de toute notre noblesse, à laquelle il avait, bien jeune encore, rompu en visière aux derniers états de Bretagne, en publiant à Rennes une brochure contre le droit d’aînesse, brochure qui aurait peut-être gagné à n’être point signée par un cadet. Il n’émigra pas, ne s’associa point aux protestations de la province contre les actes de l’Assemblée nationale, se fit homme de lettres, et, pour ses débuts,