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Parvenue à l’ère chrétienne, l’école saint-simonienne s’arrête un moment devant le désiré des nations. Elle contemple l’auguste figure du rédempteur avec une sorte de sympathique respect : elle veut bien reconnaître que le Christ a beaucoup fait pour relever l’humanité souffrante, en allégeant par de mystiques perspectives le poids de ses douleurs ; mais, d’après ces étranges commentateurs de l’Évangile, celui-ci n’a rien fait pour en tarir la source, et le principal mérite du rédempteur, c’est d’avoir préparé les voies à M. de Saint-Simon. Les sévères enseignements du Calvaire n’aspirent qu’à nous consoler dans cette vallée de larmes, en déroulant devant nos yeux de lointaines perspectives : mais il reste à nous faire jouir sur la terre de tous les biens que la foi nous promettait seulement dans le royaume des cieux ; il reste à supprimer l’abîme qui sépare le temps de l’éternité, pour replacer devant nous l’âge d’or que la doctrine chrétienne reculait dans la nuit d’un premier âge. Si le christianisme a détruit l’esclavage dans la société, il l’a maintenu dans l’homme lui-même, car la chair est devenue l’esclave de l’esprit, et les prescriptions catholiques ont constitué entre ces deux forces naturelles un antagonisme incompatible avec le bonheur individuel comme avec l’harmonie sociale. Il faut donc qu’une autre Église vienne compléter l’œuvre, d’ailleurs magnifique de la première, par la promulgation d’un décalogue nouveau.

En abolissant le célibat religieux et la confession auriculaire, la Réforme a commencé la réhabilitation