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ter, cette doctrine ; qu’a-t-il résulté ? Le pouvoir de coordination a cessé d’exister ; la terre et le travail sont sans la moindre valeur ; la théorie de l’excès de population trouve là les matériaux qu’elle exploite le plus ; la faculté pour ces pays de maintenir commerce avec le monde diminue constamment, — tandis qu’à cette ruine correspond une augmentation dans les partages chez les populations qui suivent la trace de Colbert et de la France[1].

  1. Quand on voit la masse énorme d’écrits innombrables sur les diverses questions de la masse sociale, tout ce qui remplit les journaux quotidiens, hebdomadaires et autres, et tous les sens qu’on donne aux mots : civilisation, liberté, démocratie et le reste ; il est impossible, pour qui a lu Goethe, de ne pas se reporter à ce passage de la tragédie de Faust.
      « Méphistophelès, Le mieux est de n’écouter qu’un seul et de jurer sur la parole du maître. Somme toute, tenez-vous-en au mot, et vous entrerez alors par la porte sûre au temple de la certitude.
      L’Écolier, Cependant un mot doit toujours contenir une idée.
      Méphislophelès, Fort bien, seulement il ne faut pas trop s’en soucier, car c’est précisément là où manquent les idées, que le mot vient le plus à propos. Avec des mots ou discute vaillamment, avec des mots on érige un système, on peut fort bien croire aux mots. D’un mot on n’ôterait pas un iota. »
      De tous les termes en usage commun chez les économistes modernes, il n’en est pas un sur la valeur duquel ils soient tous d’accord, d’où vient que nous les voyons recommander le même traitement pour des maladies d’un caractère tout à fait contraire. L’Angleterre souffre du système dénoncé par Adam Smith, comme devant infailliblement transformer sa population entière en boutiquiers et en manufacturiers. L’Amérique souffre d’un système qui s’oppose complètement à ce qu’il existe chez elle une industrie manufacturière, et on leur prescrit à toutes deux le remède du libre-échange. Qu’est-ce cependant que cette liberté du négoce ? Consiste-t-elle à n’avoir qu’un marché unique pour débouché, comme c’est le cas pour l’Irlande et l’Inde ; ou en avoir mille, comme c’est le cas pour la France et la Belgique ? Peut-il exister quelque liberté de négoce en l’absence de manufactures, et celles-ci peuvent-elles se fonder en l’absence de la protection ? Toute l’expérience est là qui répond : Non.