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pulation, en vertu de laquelle l’esclavage est le lot final assigné par le Créateur aux travailleurs dans ce monde. D’un côté, les prix des denrées premières et ceux des utilités achevées se rapprochent par degrés, — l’agriculture s’élève à l’état de science, — la valeur de la terre augmente et le sol se divise. De l’autre côté, il y a écart de plus en plus prononcé entre les prix, — l’agriculture reste à son état le plus grossier, et la terre abandonnée par les petits propriétaires, se consolide d’année en année. Dans l’un, chaque jour apporte la preuve que protection à la population est en fait protection au gouvernement lui-même ; dans l’autre on acquiert la preuve qu’un gouvernement qui refuse d’accomplir le devoir de protection doit, chaque jour, s’affaiblir et être moins respecté.

§ 6. — Le monde gouverné par des mots, — des phrases vides de sens deviennent les objets d’un culte de mois. Tyrannie des gouvernements dont la théorie est celle du laisser faire. Ces gouvernements oppresseurs, en raison qu’ils manquent à exercer le& pouvoirs de coordination. Erreurs des économistes modernes. Un communisme colossal, conséquence du système anglais. Importation réelle de la doctrine du laisser faire. La nécessité pour l’exercice du pouvoir coordinateur croit en raison de l’augmentation de population et de richesse. Plus se perfectionne le pouvoir d’association dans l’État, plus augmente la faculté pour son peuple de contribuer au commerce du monde.

Il y a quinze siècles, des millions de chrétiens se ralliaient autour d’une bannière sur laquelle était inscrit le mot homoosien, tandis que d’autres millions en suivaient une autre portant le mot homoiousien. — La différence entre les idées exprimées par les deux mots était peu comprise des masses qui s’égorgeaient par centaines de mille, afin de décider lequel des deux représentait la foi du monde chrétien. Mille ans après, des cent milliers d’honnêtes Hollandais, rassemblés sous des bannières portant les mots hoecks et kabbeljaws, se massacraient, à la moindre occasion, dans la pensée de décider si c’était le poisson qui prend l’hameçon, ou bien l’hameçon qui prend le poisson. Dans les temps modernes, les patriotes s’efforcent de renverser tout gouvernement civil ; les chrétiens, pour répandre la vraie foi, emploient l’opium, les spiritueux et la poudre à canon ; les réformateurs et les libéraux prêchent la centralisation[1], les démocrates cependant progressent journellement dans la croyance que l’esclavage est d’institution divine, et qu’il y a nécessité de reprendre la traite d’esclaves[2].

Le monde se gouverne avec des mots ; — des phrases vides de sens deviennent des idoles, — les objets d’un culte de mots, —

  1. Le gouvernement républicain de 1848 a perfectionné le monopole de la banque de France en fermant toutes celles de département. Les réformateurs d’Allemagne cherchent à créer le type par excellence Du pouvoir central. La réforme suisse a eu pour résultat d’augmenter la centralisation. En Angleterre, la centralisation gagne journellement du terrain depuis qu’a passé le bill de réforme, — comme on le voit par l’acte sur la banque de sir Robert Peel, et par la soumission absolue de l’Inde à la législation anglaise.
  2. Voy. précéd. vol. II, p. 259, 262, 263, notes.