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d’enfants et nous serions bientôt troublés par une exubérance de population. — Votre remède aurait produit la maladie qu’il se propose honnêtement de guérir. » Le Tartare peut-être répondrait : qu’il passe sa vie à cheval, qu’il préfère le brigandage aux occupations de la vie civilisée ; qu’il se sent peu porté au commerce sexuel, et que le remède lui serait de peu d’usage. — Le paysan turc s’écrierait probablement : « Contrainte morale ! abstinence de mariage ! c’est précisément, mon cher monsieur, le mal dont je me plains très-fort. — Le riche a tellement accaparé les femmes, que je n’en puis trouver une à épouser. La plupart de mes voisins sont dans la même situation que moi ; nous vous serions bien obligés si vous vouliez nous aider à obtenir femme et enfants. La population et la richesse augmentant, nous serions en mesure de nous protéger nous-mêmes, et nous ne serions plus forcés d’abandonner la culture de nos champs, comme il nous arrive aujourd’hui. » — L’Irlandais répondrait qu’une cause essentielle de l’accroissement de population dans l’île a été précisément cette contrainte morale qui y existe déjà à un haut degré. « Privées, dirait-il, de toutes jouissances autres que celles purement animales, les femmes de mon pays trouvent dans les relations sexuelles le seul et unique plaisir auquel elles puissent prétendre. Proverbialement chastes, elles sont très-fécondes, — et c’est précisément de là que vient chez nous l’embarras. Avec ces données, l’adoption de votre remède ne pourrait qu’aggraver, le mal que vous cherchez à guérir. »

Partout où se présenterait M. Malthus, voilà à peu près ce qui lui serait répondu. — Ses compatriotes eux-mêmes lui donneraient l’assurance qu’un des refrénants principaux de la population se trouve dans le grand développement que peuvent prendre les relations que je qualifierai non-officielles[1].

La prudence et la prévoyance sont fortement recommandées à la considération du pauvre par des écrivains qui débutent par chasser de son esprit la pensée d’espérance que le frein à la population, conséquence de l’impuissance de la terre de fournir les

  1. Il y a quelques années, un ministre (nous croyons que c’est le Rév. M. Cunningham) constata que la moralité de sa paroisse s’améliorait. Ce qui le lui faisait penser, disait-il, c’est que les bâtards y devenaient plus nombreux. Il en concluait que les relations non officielles avaient dû diminuer.