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premiers à fournir une rente, » — cette même rente qu’il a attribuée à l’infertilité croissante des sols plus riches ! Si l’auteur de cette théorie célèbre vivait encore, il serait le premier à rejeter la manière dont ceux qui se disent ses disciples et marchent sur ses traces viennent récemment de la défendre[1].

Cette nouvelle position faite à la théorie par ses défenseurs, ne mériterait peut-être pas un commentaire de plus, n’était le caractère des raisons émises pour repousser la critique exercée contre elle, — raisons qui ont trait aux conséquences infaillibles, si l’on admettait l’exactitude de ce qu’on présente comme une grande loi de la nature.

« On prétend encore, dit un éminent écrivain, que Ricardo s’est trompé en disant que les bonnes terres, c’est-à-dire les terres spécialement propres à telle ou telle culture, sont mises en culture les premières. On affirme que les hommes choisissent, au contraire, de préférence, les plus mauvaises pour les cultiver avant les autres. En admettant même qu’il en fut ainsi, cela ne changerait rien à l’affaire, ce me semble. Du moment qu’on applique à la fois à la même culture une bonne terre et une mauvaise, la rente se manifeste, soit que l’on ait commencé par la bonne ou par la mauvaise. Ce que dit M. Carey sur ce point ne signifie donc absolument rien, quant au fond de la question. Mais il ne faut pas moins se méfier de son assertion, car elle conduit droit au protectionnisme. En effet, si l’on commence par mettre en culture les mauvaises terres de préférence aux bonnes, il sera utile, dans l’intérêt de la production nationale, de repousser ks blés étrangers ; on provoquera ainsi la mise en culture des meilleurs terrains qui, sans cela, seraient demeurés en friche, et l’on améliorera par conséquent la condition de la société[2]. »

On peut voir tout d’abord combien l’auteur de l’article s’est trompé en supposant que nous ayons prétendu que « les hommes choisissaient pour la culture les sols pauvres, alors qu’ils avaient acquis le pouvoir de soumettre à la culture les sols plus riches, ca-

  1. Carey généralise ces faits — dans le but de renverser la loi de Ricardo. Il n’a pas vu que Ricardo parle uniquement de la puissance originelle du sol. Un sol marécageux, qui doit être drainé à grands frais a moins de puissance originelle qu’un sol siliceux qui peut être à l’instant mis en culture. Roscher, Économie politique, vol. II, p. 26.
  2. Molinari, Journal des Économistes, nov. 1851. Les italiques sont de l’écrivain cité.