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différentes. De cette façon, leurs guinées, enfermées dans son coffre fort, près de la Bourse, faisaient ce qui aurait exigé autrefois mille guinées dispersées dans autant de caisses, celles-ci à Ludgate-Hill, celles-là à Austin-Friarsou à Tower-Street[1]. »

Le numéraire ayant de la sorte reçu utilité, et la circulation sociétaire s’étant accélérée, rien d’étonnant qu’on ait bientôt jugé à propos de faire un plus grand pas en avant, d’établir une institution analogue à celles qui existaient déjà à Amsterdam et dans d’autres villes. La dernière décade du XVIIe siècle vit donc la création de la Banque d’Angleterre, — qui différa cependant de ses aînées en ce point, qu’au lieu que celles-ci avaient été fondées dans les intérêts publics seulement, et dans la vue d’entretenir un étalon invariable auquel rapporter la valeur des autres utilités, elle fut une pure corporation négociante, ayant pour objet unique et exclusif de réaliser des profits pour les parties intéressées dans sa direction. Les premières délivraient des certificats en échange de l’or et de l’argent déposé chez elles, et toutes les parties par les mains de qui ces certificats passaient se sentaient parfaitement assurés que les métaux ainsi représentés étaient présentement dans les caves. La quantité de monnaie en apparence à la disposition de la communauté était donc exactement celle existante réellement sous sa main, — sans qu’il y eût la moindre différence entre elle et la garantie du certificat. La dernière banque, de même, délivre des certificats en échange des métaux précieux ; mais, au lieu de les tenir dans ses caves, elle les prête. Le pouvoir du propriétaire sur son numéraire ne subissant point de diminution, en même temps qu’un pouvoir nouveau et additionnel était ainsi créé, la quantité apparente de numéraire en circulation se trouva donc doublée, tandis que la quantité réelle restait la même. Le système anglais, — tendant, comme il fait, — à ajouter à l’utilité de la monnaie, — était beaucoup plus parfait que celui du continent. Par la raison même cependant qu’il était plus puissant pour le bien, il l’était aussi beaucoup plus pour le mal ; — car plus la forme d’un navire est parfaite, plus il est fin marcheur, plus il se brise avec force sur les écueils lorsqu’il est mal conduit. La forme adoptée ici étant meilleure qu’aucune autre encore connue, tout ce qu’il y avait à faire,

  1. Macaulay. History of England, vol. IV, chap. xii.