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montre l’énorme taxation prélevée par cette constante manœuvre pratiquée sur la circulation monétaire, c’est qu’à la Révolution il aurait fallu soixante six livres pour représenter la quantité d’argent qui, dans l’origine, avait été contenue dans une.

Ce mode de procéder amenait nécessairement la thésaurisation de la monnaie, — ce qui détruisait son utilité, tandis que sa valeur augmentait. Plus qu’aucun autre pays en Europe, la France s’est distinguée par les exactions de ses vendeurs de monnaie, tous gens dont les opérations tendaient à accroître l’empire des accumulations du passé sur les travailleurs du présent. De là vint qu’il n’exista que si peu de crédit, — que le taux, pour l’usage de la monnaie, a été si régulièrement exorbitant, — et qu’une hideuse misère fut la compagne de tant de magnificences. Centralisation, splendeur, pauvreté et faiblesse, sont compagnes intimes ; — c’est un fait dont la vérité est attestée à chaque page de l’histoire, et surtout dans les pages qui racontent l’histoire de France et l’histoire d’Espagne ; dans le dernier de ces pays, l’altération graduelle de la monnaie continue jusqu’en 1786.

Telle fut aussi la marche des affaires en Écosse : — la monnaie du royaume y subit falsification telle que la livre d’Écosse ne représente aujourd’hui que le trente-sixième de son poids originel.

Jusqu’à l’époque d’Édouard III, la livre anglaise contint une pleine livre d’argent d’un certain titre bien constaté. La poursuite de la gloire et des guerres incessantes forcèrent cependant ce monarque à adopter des procédés frauduleux pareils à ceux que pratiquaient depuis si longtemps ses voisins de l’autre côté du canal, et une fois commencée, la pratique se continua jusqu’à ce qu’au bout de deux siècles, la livre eût perdu deux tiers de son poids primitif. Moins belliqueux que ceux de France, les monarques d’Angleterre se trouvèrent moins souvent réduits à la désagréable nécessité d’altérer la monnaie comme moyen de dépouiller leurs sujets, en même temps que ceux-ci, — jouissant de plus de liberté, — étaient moins disposés à se soumettre à de telles exactions.

La monnaie étant à la société ce que l’aliment est au corps, — la cause de mouvement, — la vitesse de circulation est aussi nécessaire dans l’une que dans l’autre ; et plus elle est grande, plus est parfait le pouvoir d’association, et plus est certain le progrès. Pour qu’il y eût vitesse de circulation, il était indispensable qu’il y eût