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qui s’en va ici se perdant pourrait, convenablement appliqué, produire des utilités à échanger contre des subsistances pour plus de 100 dollars par tête. En économisant rien qu’une très-petite partie de ce travail, le surcroît de consommation monterait à dix fois plus que tout ce qui va au dehors, — ce qui ferait monter les prix au niveau de ceux d’Angleterre ou de France. Un boisseau de blé a même valeur intrinsèque en Illinois ou Iowa que dans les environs de Paris et de Londres, et l’unique raison pour laquelle il ne se vend que le quart ou le cinquième, est que le fermier supporte le coût de l’envoi au marché. Rapprochez le marché de lui en ouvrant les dépôts considérables de houille et de minerai d’Indiana et d’Illinois, de Missouri et de Michigan, et alors, non-seulement il sera soulagé de la nécessité de s’adresser aux marchés lointains ; mais il lui deviendra impossible de les alimenter parce que le prix domestique sera au niveau de celui du dehors. Le changement à effectuer coûtera aux fermiers du pays jusqu’à des centaines de millions de dollars, et en peu de temps il aura produit des milliers de millions.[1]

C’est un magnifique résultat, que suivrait un autre encore plus magnifique. En s’enrichissant chez eux les fermiers cesseraient d’être obligés de solliciter faveur dans les villes atlantiques et européennes, — priant de riches capitalistes, dont la fortune s’est faite à leurs dépens, d’accepter, moyennant un fort escompte, leurs titres qui portent intérêt aux taux de huit ou 10 % — et par là s’imposant sur eux-mêmes une lourde taxe qu’il faudra payer à toujours.[2] Délivrés de cette taxe, ils construiront cinq milles de route — et ajoutons sans contracter aucune dette — contre chaque mille qu’ils en construisent maintenant.[3]

Le capital est toujours abondant et à bon marché quand la circulation est rapide et le travail productif, comme ce fut le cas dans les dernières années des périodes de protection qui finissent

  1. Voir précéd., p. 194.
  2. Le coût moyen des routes aux États-Unis ne va probablement pas à moins du double de ce qu’il serait, n’était l’inaptitude des propriétaires fonciers à les faire par eux-mêmes et sans l’aide d’emprunts.
  3. La condition presque unique à laquelle les chemins de fer peuvent aujourd’hui se faire, est la concession par le gouvernement fédéral d’autant de terres qu’il en faudrait pour payer la construction ; et cependant les gens qui auront à s’en servir sont taxés aussi lourdement qu’ils eussent pu l’être si le capital eut été fourni par des particuliers.