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n’était pas encore prêtre), pour le service du Pape ; rien ne se fit. Le vice-roi de France me sollicitait aussi, et cela, à ce que j’appris par la suite, sur les instances de l’illustre seigneur Louis Birague, commandant de l’infanterie française en Italie. Le vice-roi Brissac faisait des offres importantes, car il avait une bienveillance et une affection singulières pour les savants. Mais rien ne fut conclu. L’année suivante, 1537, j’entrai en pourparlers avec le collège des médecins et je fus nettement repoussé. En 1539, je fus reçu contre toute attente, les opposants étant moins nombreux, et grâce à la protection de Sfondrati et de l’excellent Francesco Croce.

Plus tard, en 1543, j’enseignai la médecine à Milan. L’année suivante, ma maison s’étant écroulée, j’enseignai la médecine à Pavie, mais sans aucun collègue ; il est vrai qu’on n’était pas payé. Aussi cessai-je à quarante-quatre ans, et je restai à Milan avec mon fils aîné qui avait onze ans. Ma fille en avait neuf et Aldo deux[1].

Le cardinal Morone (que je nomme ici pour l’honorer) m’offrit en l’été 1546 des conditions (21) qui n’étaient pas méprisables. Mais moi qui, comme je l’ai dit, suis harpocratique, je pensais : le Souverain Pontife est décrépit ; c’est un mur en ruines. Laisserai-je le certain pour l’incertain ? Je ne connaissais pas alors la probité de Morone ni la munificence des Farnèse. De plus, j’étais assez avant dans l’amitié du prince d’Iston qui me fit quelques largesses et m’en offrit bien plus, que je ne voulus pas recevoir.

L’été fini, je revins à l’enseignement. L’année suivante, sur les instances de mon illustre ami André Vésale, le roi de Danemark m’offrit une pension de huit cents écus par an ; bien qu’il pourvût à mes frais d’entretien je n’acceptai pas, non seulement à cause de la rigueur du climat, mais aussi parce qu’on avait adopté là-bas un autre culte : j’y aurais été mal reçu ou contraint d’abandonner la foi de ma patrie et de mes aïeux.

À cinquante ans sonnés, mon traitement n’étant pas payé, je restai à Milan. Au mois de février suivant (1552) s’offrit l’occasion d’aller en Écosse[2]. Je reçus cinq cents écus d’or français avant de partir et douze cents (22) au retour ; mon absence dura trois-cent-onze jours. J’aurais pu, si j’avais voulu rester, toucher une somme bien plus grande.

Depuis le début de janvier 1553 jusqu’au début d’octobre 1559, je restai à Milan et je refusai des conditions encore plus avantageuses

  1. Giovanni Battista né le 14 mai 1534 (XII Genitur. exempla, V, 529), Chiara le 3 novembre 1535 (C. Genitur., V, 471), Aldo le 5 mai 1543 (Ibid., V, 532).
  2. Voir chap. XXIX.