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commune. En revanche j’eus en partage un caractère craintif, de longe procès, des parents importuns, des temps troublés par les guerres et les hérésies. Mais, dira-t-on, tu pouvais profiter de tant de découvertes. La vérité ne doit faire de tort à personne : les découvertes des autres sont, ou je les ai trouvées fausses, pour la plupart, ou bien je ne les ai pas comprises, par suite je n’eus pas à les employer. Les miennes ont été plus utiles mais tardives ; si j’avais pu trouver à temps ce que j’ai obtenu par la suite, ou si j’avais connu ce qui avait été acquis par les autres, peut-être aurais-je moins souffert.

Néanmoins il me reste encore assez pour qu’à ma place un autre s’estimât heureux : la connaissance de tant de sciences, ma descendance assurée[1] malgré les atteintes subies, les livres que j’ai publiés et tous ceux qui restent à publier, ma réputation, les distinctions reçues, d’honnêtes richesses, des amis puissants, la connaissance de secrets et, ce qui est mieux, le culte de Dieu. Mais, comme je l’ai dit, un seul homme ne peut pas tout avoir ni exceller (309) en tout genre ; s’il est vraiment supérieur ce ne sera que pour un seul objet et, là même, il ne pourra arriver à la perfection. Pourquoi rechercher en moi ce qui est refusé à tout le genre humain ? ou t’étonner des fautes que j’ai commises quand tous les autres se trompent aussi ?


  1. Moins assurée qu’il ne le supposait, car son petit-fils Fazio semble n’avoir pas laissé de descendance. — On rapporte le propos suivant de Naudé : « Quand je fus à Milan, je m’enquis de la postérité de Cardan. On me dit qu’il n’y avoit plus qu’un certain Bonnetier lequel disoit que Cardan avoit été à Rome en intention d’y devenir Cardinal, et qu’il y avait été empoisonné. » (Naudaeana, 2e éd., Amsterdam, 1703, page 17).