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L

PROPOS FAMILIERS, QUI SONT EN DÉFINITIVE DES OBSERVATIONS
CHANT FUNÈBRE QUI ÉCARTE UNE OPINION FAUSSE

(287) Il ne faut faire que ce dont le souvenir ne sera jamais pénible à aucun âge, et pour la réalisation de quoi les moyens manquent aux hommes plus tôt que le désir. C’est dans la mémoire de ces actes que réside notre tranquillité ; et le mieux est que celle-ci n’exige aucun soin.

Parmi des maux contraires, il faut tenir pour le moindre celui qui, à long aller, apporte le moins de dommage.

Comme disait Soranus, il est honorable d’accepter de ceux qui offrent et de ne pas réclamer de ceux qui ne donnent pas.

Dans l’incertitude, choisis le parti qui est plus avantageux par nature : par exemple administre de préférence une pilule ; si c’est une potion il n’est pas possible de revenir sur ce qui a été fait. Dans l’incertitude tu seras déconcerté, et ta dignité en souffrira.

(288) Qui ne veut pas agir suivant la raison est une bête : ou il mérite d’être battu, ou tu dois t’écarter de lui. Seul en effet l’homme se sert de la parole pour traiter ses affaires et les diriger.

Les gens chagrins, ceux qui sont intraitables, ou durs, ou inactifs font peut-être moins de tort dans une affaire importante que dans une foule d’autres ; aussi faut-il les éviter plus que personne.

Avec les puissants surtout, il suffit de parler ainsi, pour garder de la retenue : « Vous m’avez fait un tort », ou « J’ai à me plaindre d’une injustice ». Avec des parents ou des héritiers : « Est-ce ainsi qu’après ma mort vous voulez garder mes biens ? » Tu les embarrasseras.

À quelqu’un qui me reprochait le petit nombre de mes disciples je répondis : on vend plus de Donats que de Virgiles. Au reproche d’être seul de mon opinion : c’est sa singularité qui fait le prix de la licorne.