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dit, avec grand bonheur. Les livres De urinis ne sont pas encore achevés : ils témoignent des merveilles de la nature, qui enferme un contenu si important dans si peu de chose ; il en est comme de la partie par rapport au tout ; leur disposition est pourtant simple, et c’est de là que vient la plus grande difficulté pour les reproduire. L’ouvrage a été élaboré avec soin et il est appuyé, comme de juste, sur de nombreuses expériences. Les livres Contradicentium medicorum abordent tous les points douteux de l’art et, dans la mesure où je l’ai pu, ils tentent de les résoudre ; si mon opinion a été trouvée bonne, pourquoi dois-je la condamner ? Si j’ai des doutes, pourquoi ai-je fixé des règles ? On pourrait appliquer aux Problemata la phrase connue : « Les poètes veulent à la fois être utiles et plaire ».

Mes livres sur les jeux ? pourquoi un joueur de dés, qui est écrivain, n’écrirait-il pas sur le jeux ? Et peut-être, comme on dit, à la griffe on connaît le lion.

J’ai réduit à sept les treize livres de la métoposcopie, (250) une partie de la physiognomonie que j’ai apprise de Girolamo Visconti. Suétone a fait de magnifiques éloges de cet art. J’y ai discerné des ombres de vérité. Est-elle vraie, est-elle fausse ? Il est bien difficile de vérifier car on est abusé par ce qui est faux, en raison du grand nombre des individus et des caractères [physiognomoniques] et à cause de l’irrégularité de leurs changements[1].

Les Paralipomena aussi sont les débris conservés d’un ouvrage plus ancien. Personne ne pensera que, ce que j’ai détruit, je l’aie détruit pour une autre raison que celle-ci : je n’étais pas satisfait de la confusion et du désordre de la composition ; aucun choix dans les faits, les plus humbles mêlés aux plus élevés, les horribles aux purs, les utiles aux inutiles, ceux qui sont le produit de l’art à ceux qui viennent du hasard, les traits curieux aux absurdes ; quelles suppressions que j’y fisse, je ne pouvais espérer corriger le reste et le réduire en un ensemble bien ordonné. Aussi ai-je jugé bien meilleur de prendre un autre parti : être utile à mes protecteurs et à mes amis pendant qu’ils vivent et qu’ils voient, et tandis que ma conduite à leur égard est connue de tous ; qui plus est, tout en faisant une grande économie de temps, je pouvais laisser à la postérité, avec plus de clarté et de certitude ; un bien plus grand nombre de leçons qu’en donnant au public ce que j’avais détruit. Je dis que (251) la conduite la plus belle consiste à vivre de façon que personne ne puisse re-

  1. Cf. chap. XXXIX n. 1.