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XLIII

CHOSES ABSOLUMENT SURNATURELLES

(222) Je ne mettrai pas au nombre des miracles ce qui m’arriva étant étudiant à Pavie. Un matin avant d’être bien éveillé, j’entendis un coup sur le mur (la chambre à côté était vide), puis de nouveau quand je fus réveillé, et ensuite encore une fois, comme des coups de marteau. Le soir j’appris qu’à la même heure était mort Galeazzo Rossi, un ami rare dont j’ai parlé bien souvent[1]. D’abord, tout pouvait se rapporter à un songe ; en deuxième lieu, il se peut, comme je l’ai dit, que cela procédât d’une cause naturelle, d’un courant d’air par exemple ; troisièmement, en me voyant ému par ce prodige et retenu toute la journée chez moi par la peur, on a pu supposer cette mort, ou en fixer le moment à l’aube quand elle s’était produite bien plus tôt les cas de décès à cette heure-là, par suite de maladie, sont rares. Pour ces motifs, je ne placerai pas (223) parmi les miracles un prodige dont tant d’éléments sont incertains, mais je laisse à chacun de décider à sa guise.

En 1536, quand j’habitais près de la Porta Tosa[2], au mois de juillet si je ne me trompe, passant de la salle à manger dans la cour, je sentis une forte odeur de cierges à peine éteints. Épouvanté j’appelle un valet, pour lui demander s’il percevait quelque chose. Lui, croyant qu’il s’agissait d’un bruit, répondait que non. Je lui fis remarquer que je ne voulais pas parler d’un son, mais d’une odeur. Il dit alors : « Ô quelle forte odeur de cire ! » « Tais-toi », lui dis-je et je posai la question à une servante et à ma femme. Tous étaient surpris sauf ma mère qui ne sentait rien, à cause, je crois, d’un rhume de cerveau. Ce prodige me paraissait une menace de mort. Je me couchai, mais sans pouvoir m’endormir, et, autre prodige plus grand que le premier, voilà que j’entendis des porcs grogner dans la rue (il n’y en avait point en réalité), — puis des canards menèrent grand

  1. Un récit circonstancié dans De rerum varietate, XV, 84 (III, 299).
  2. À Milan.