Page:Cardan - Ma vie, trad. Dayre, 1936.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et à Rome ! Tant de témoins ont assisté au repas au cours duquel je dis : « Si je ne pensais pas que cette nouvelle vous sera pénible, je vous dirais (221) quelque chose ». — « Peut-être, dit l’un d’eux, veux-tu dire que l’un de nous doit mourir ? » — « Oui, répondis-je, c’est ce qu’il me semble, et dans l’année. » Le premier décembre, celui qui s’appelait Virgilio mourut.

Ajoutez que nos affaires sont faites de petites choses qui apportent de grands changements, et que ce sont ces petites choses ou de plus petites encore, si je puis dire, qui en décident. Je ne parlerai pas de ce que j’ignore. Quand j’habitais dans la maison de Ranuzio à Bologne, il vint un Français qui voulait me parler seul à seul. Je lui dis qu’il devait suffire que les autres n’entendissent point. Et comme je restais ferme là-dessus, il s’en alla. Mis en soupçon, je l’envoyai chercher : personne ne put le voir. Que croyez-vous ? Il méditait un crime.

Que dirai-je de Chypre ? Plus d’une fois, en entendant décrire les forces et les préparatifs des Turcs et des Chrétiens, j’avais dit que nous devions craindre d’être vaincus, le cardinal Sforza en est témoin. J’indiquais les raisons, et l’événement montra que l’île avait été perdue à cause de la force de l’ennemi et de nos fautes. Des savants attentifs et habiles obtiennent des réussites de ce genre sans être assurés nécessairement et dans tous les cas : il n’y a de certitude complète que dans les arts manuels comme celui du forgeron.