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être, vieillesse et affaiblissement progressif de ses facultés, absence de mise au point définitive, ses mémoires sont pleins de désordre et de confusion : allusions à des idées dont il n’a jamais été question, rappel de faits qui seront racontés plus tard ou qui ne le seront point, digressions, retours en arrière, tout a été accumulé pour décourager le lecteur hâtif.

Naudé, admirateur convaincu de Cardan, dont il connaissait bien les idées et les tendances, a en somme, malgré des négligences, été respectueux de sa pensée et de son style.

Son but fut certainement avant tout, de donner un texte lisible. Il n’y est point parvenu. Il sera toujours difficile d’y arriver. Trop d’obstacles s’y opposent. Outre ceux qui ont été déjà indiqués, qui viennent des circonstances matérielles de composition, de transmission et de reproduction du livre, il en est un qui tient à l’auteur. Cardan remâchant une dernière fois ses craintes, ses souffrances, ses désillusions, ses rancunes, faisant encore une révision de ses idées et de ses croyances, étalant ses triomphes et ses prérogatives, prend le ton et la manière de quelqu’un qui parle à un ami déjà informé de ce dont il est question. Un mot, une allusion, un geste doivent suffire au confident pour comprendre et se souvenir. En tout lecteur il voit un confident. Ces aventures, ces rêves, ces douleurs et ces gloires, il les a dites si souvent qu’il les croit connues de nous comme de lui. Aussi à chaque instant, des « je l’ai dit », « je l’ai déjà raconté », « j’en ai parlé ailleurs », qui ne renvoient pas toujours à un autre chapitre des mémoires[1]. Un Naudé n’en était point trop embarrassé. Depuis lui, Cardan n’a plus trouvé de lecteur aussi enthousiaste et intrépide.

VII

Ce sont de telles difficultés qui, je le suppose, ont empêché le De Vita propria d’être plus souvent traduit. À ma connaissance il n’en existe que deux traductions[2] :

  1. Voir entre autres le chap. XLVII et n. 4 et 5.
  2. J’ai eu trop tardivement connaissance d’une nouvelle traduction italienne, qui marque un progrès considérable sur celle de Mantovani :

    L’autobiografia di Gerolamo Cardano (De propria vita). Traduzione, introduzione e note di Angelo Bellini. Milano, La famiglia Meneghina editrice, 1932-X, in-8, 487 pp.