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intrépidement là où le scribe italien a parfois jugé illisible. Voici à titre d’exemple deux phrases typiques parce que dans le texte de Naudé elles ont provoqué discussions et hypothèses :

1o. Au chapitre II on lit dans les éditions imprimées : Ortus sum anno MDVIII calend. Octobris…, et on a longuement épilogué sur l’étrange énoncé de cette date. La copie de Milan donne… anno MDI, Viij calend. Octobris, ce qui s’accorde avec toutes les autres indications chronologiques fournies par Cardan.

2o. Au chapitre XXXVI, Naudé a lu : testamenta plura condidi ad hanc usque diem, quae est Calendarum mensis Octobris anni MDLXXVI. On avait été entraîné par cette mention à supposer fausse la date de la mort de Cardan fixée par de Thou (Hist. univ., an. 1576) au 21 septembre 1576. Dans la copie de l’Ambrosienne, le nom du mois est laissé en blanc, preuve d’une difficulté de lecture. Le dernier testament que nous connaissons est du 21 août 1576.

Mais une statistique montrerait aisément que les cas où le texte du scribe inconnu est préférable à celui de Naudé sont infiniment moins nombreux que les preuves de son incompréhension. Nous savions par d’autres exemples que Naudé n’avait pas comme éditeur les scrupules des modernes, qu’il se croyait autorisé à collaborer discrètement aux œuvres auxquelles il donnait ses soins[1]. Par la copie de l’Ambrosienne nous connaissons la mesure assez précise des droits qu’il s’attribuait. Il supprime, mais n’ajoute pas. Du sien il n’a presque rien mis : au chapitre II on trouverait une phrase de lui pour éviter la transcription d’un thème astrologique. Pour la forme, il se borne à de légères retouches grammaticales, à quelques allègements en effaçant un synonyme qui fait pléonasme, un mot ou un membre de phrase obscur.

La méthode de Naudé est évidemment discutable, et certainement inadmissible s’il s’agissait d’un classique ou d’un écrivain soucieux du style, de la suite et de l’enchaînement exact de ses idées. Mais on voit assez que Cardan n’eut jamais de grands scrupules de ce genre — il écrivait trop et trop vite — et, pour quelles raisons que ce puisse

  1. Voici ce qu’il dit de son édition du Syntagma de libris propriis de Campanella dans une lettre à Peiresc du 28 septembre 1635 : « M’estant mis à le revoir pour la première fois, je trouvé que c’étoit stabulum Augiae, tant pour la diction que pour l’extravagance du jugement. C’est pourquoi je le rescrivis tout entier et l’accomodé en forme aucunement plus passable. »