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sur ce point — ni parce que l’enfant guérit — ce qu’on pouvait juger un hasard —, mais parce que je l’avais guéri en quatre jours alors qu’on avait tourmenté son frère pendant plus de six mois pour l’abandonner à demi-mort, (192) le père fut émerveillé. Ce fut, je pense, la raison qui le fit, par la suite, me préférer à tous les autres médecins. Car il est probable qu’il considéra ceci : Croce, mon rival et mon ennemi, du fait qu’il exerçait les fonctions de procureur [du Collège], avait parlé en ces termes devant lui et devant Cavenago, alors qu’il ne pouvait honnêtement louer un adversaire du Collège que s’il y était contraint ; il était bien évident par là que les obstacles dressés contre moi venaient de l’envie et de la jalousie plutôt que de ma naissance. Aussi, sous l’impression de la guérison de son fils, il raconta toute l’affaire au Sénat et agit auprès du gouverneur de la province, des autres ministres et des cardinaux, pour obtenir que s’ouvrît devant moi l’accès du Collège d’où par tant de décisions et à la suite de conventions et d’accords on m’avait rejeté, et, tout à la fois, que je fusse appelé à enseigner publiquement à l’Université. Il rémunéra mes soins par un cadeau et me fit bienvenir de tout le monde.

2. — La cure suivante fut celle de l’archevêque écossais Hamilton[1] qui, à l’âge de quarante-deux ans, souffrait de crises d’asthme. Après avoir inutilement fait appel, d’abord aux médecins du roi de France, puis à ceux de l’empereur Charles-Quint, il m’envoya deux cents écus (193) à Milan pour que j’aille à Lyon ; il y en ajouta ensuite trois cents pour que je me rende à Paris et pour que — si la guerre mettait obstacle à sa venue — je continue jusqu’en Écosse. J’y allai. Le traitement était fait d’après les prescriptions des parisiens par un médecin[2] que l’on rendait responsable de l’insuccès. Je fus obligé d’en expliquer la cause. L’archevêque se fâchait contre son médecin, le médecin contre moi parce que j’avais donné cette explication. Ainsi l’un me craignait et l’autre m’accusait de faire traîner le traitement en longueur parce que, dès que je l’eus commencé, il se sentit mieux. Au milieu de ces querelles je demandai congé de partir. On me l’accorda avec peine. Je laissai une ordonnance qui amena la guérison en deux ans. Je restai soixante-quinze jours auprès de lui. Il existe une attestation de cette guérison. L’archevêque m’envoya plus tard son premier valet de chambre Michel qui devait me ramener auprès de lui comme médecin, moyennant un riche traitement, mais je n’acceptai pas. Il paya pour ma venue dix-huit cents écus

  1. Voir chap. XXIX notes 2 et 7.
  2. Le médecin, Guillaume Casanate (né le 5 octobre 1519), d’origine espagnole, était natif de Besançon et avait fait ses études à Toulouse. Son horoscope figure parmi les XII Genitur., no 9 (V, 541-542).