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XL

CURES HEUREUSES[1]

(188) I. — En 1537 ou 38, pendant l’été, j’étais très lié avec Donato Lanza que j’avais guéri d’hémoptysies, dont il souffrait depuis plusieurs années. Il avait souvent engagé le Sénateur Sfondrato, conseiller intime de l’empereur, à avoir recours à mes soins pour son fils aîné, atteint de convulsions infantiles qui, après l’avoir fait compter au nombre des morts plutôt que parmi les vivants, le laissèrent faible, difforme et pauvre d’esprit. Le fils cadet fut, à son neuvième mois, pris de fièvre. Luca Croce, qui le soignait, donnait bon espoir, comme il est de coutume. (Il était grand ami de Sfondrato tant par sa qualité de procureur du Collège, dont Sfondrato était le patron, que par les liens d’une longue fréquentation, (189) des services et des bienfaits réciproques). Subitement, sans que cessât cette fièvre aiguë, l’enfant fut saisi de violentes convulsions. Devant l’évidence et l’imminence du danger de mort, Croce demanda à faire appeler Ambrogio Cavenago, et Sfondrato, se souvenant des conseils de Lanza, me fit appeler aussi.

Nous nous réunîmes à la deuxième heure du jour, en présence du père de l’enfant. Croce exposa la maladie en quelques mots, car il connaissait Sfondrato pour un homme de bon sens, et il était, quant à lui, franc et savant. Cavenago n’ajouta rien puisqu’il lui convenait de ne prendre la parole que le dernier. « Vous voyez bien, dis-je alors, que cet enfant souffre d’un opisthotonos. » À ce mot, le protophysicien [Cavenago] crut que je voulais le railler en employant des mots obscurs et resta interdit. Mais Croce l’ôta de ce doute en disant : « Il veut indiquer la rétraction des nerfs en arrière ». — « Certes » répondis-je, et j’ajoutai : « je vais vous le montrer ». Je soulevai la tête de l’enfant pendante en arrière, attitude que les médecins, et tout le monde, attribuaient à la faiblesse de l’enfant, incapable d’en

  1. Cardan avait déjà fait une revue de ses succès médicaux dans le De libris propriis, rédaction de 1554 (I, 82 sqq.).