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river bientôt après. Si ce devait être dans la même journée, la vision apparaissait après le lever du soleil, parfaitement lumineuse et claire. Ainsi, autrefois je vis mon affaire avec le Collège [des médecins] jugée, conclue et perdue ; je sus aussi que je réussirais à obtenir (180) une chaire à Bologne. Cette seconde prérogative cessa un an avant la première, c’est-à-dire en 1567 quand partit Paul, un de mes camarades ; elle dura donc environ trente-trois ans.

La troisième prérogative fut une splendeur[1] que je parvins à augmenter graduellement. Elle prit origine en 1529, puis s’accrut, sans atteindre son éclat complet avant la fin de mes soixante-treize ans, entre la fin d’août et le début de septembre 1574 ; mais, véritablement, ce n’est que cette année 1575 que je l’ai dans la perfection. Celle-ci ne m’abandonna pas, mais, à la place des deux précédentes qui m’ont quitté, elle me protège contre mes adversaires et dans les nécessités qui me pressent. Elle résulte d’une méditation ingénieuse et d’une lumière extérieure. Très agréable, elle offre plus d’avantages pour le prestige, l’exercice, le profit et la solidité de mes études que les deux autres jointes ensemble. Elle n’écarte pas l’homme des occupations communes et de la fréquentation de ses semblables. Elle rend apte à tout ; elle est d’un grand secours dans la composition des livres. Elle semble être le dernier degré de notre nature, car (181) elle offre à la fois tout ce qui se rapporte à cet objet. Et si elle n’est pas d’origine divine, à coup sûr c’est la plus parfaite des œuvres humaines.

La quatrième de mes prérogatives commença en 1522 et dura jusqu’en 1570 ou 1573. Elle m’a été donnée, je pense, pour me consoler quand je fus conservé en vie contre tout espoir, pour m’affermir dans la foi et me faire comprendre que je suis de Dieu et qu’il est tout pour moi, afin que je ne me laisse pas aller à une conduite indigne de tant de bienfaits. Et si quelqu’un disait : Pourquoi tous les hommes ou au moins quelques uns d’entre eux ne voient-ils pas ces choses-là et d’autres semblables ? Je répondrais : Que faire, si d’autres comprennent ce qui, pour moi, n’est pas évident en soi ? — Mais quelle preuve d’amour que la mort cruelle d’un fils ? — S’il y a, pour quelqu’un, un autre moyen d’être immortel, je le réclame aussi : s’il n’en est pas d’autre, que m’importe davantage ? Toute mort est en effet cruelle et presque identique, sauf celle qui atteint un vieillard ; mais

  1. Sur ce don naturel de la splendeur qui n’est jamais bien précisé, voir aussi chap. XLIV, XLVII (à la fin) et LIV.