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science morale ; Jupiter, la science de la nature ; Mars, la médecine ; Saturne, l’agriculture, la connaissance des plantes et les autres arts inférieurs ; le huitième ciel, la glane dans toutes les sciences, la sagesse naturelle et les études diverses[1] ; après cela je reposerai enfin avec le Seigneur. Cette division a été presque reproduite dans les sept sections de mes Problemata. Le temps est proche où ils seront achevés ou publiés.

Il me sembla aussi parfois reconnaître un jeune homme affable à mon égard. Réveillé je ne me rappelais rien. Lorsqu’on lui demandait qui il était et de quel pays, il répondait avec peine Stephanus Dames. Il n’est pas possible de trouver, en latin, une interprétation à ces mots qui ont une consonnance étrangère. J’ai assez souvent réfléchi que στέφανος signifie couronne, μέσος moitié ou milieu[2].

Voici un autre songe qui indiqua que je viendrais vivre à Rome. En 1550 j’étais à Milan sans emploi public. Le 8 janvier je me vis dans une ville pleine de palais magnifiques. Il y avait entre (175) autres une maison dorée dont j’ai vu la pareille plus tard, quand je suis venu à Rome. On aurait dit un jour de fête, j’étais seul avec mon valet et ma mule, qui tous deux restaient cachés derrière une maison. J’entendais pourtant la voix du valet. Comme quelques personnes passaient dans la rue, je m’informai curieusement auprès de tous du nom de la ville. Personne ne me renseigna ; seule une vieille me dit qu’elle s’appelait Bacchetta, c’est à dire la verge dont on bat les enfants et qu’on appelait autrefois férule. Ainsi Juvénal dit : « Et nous avons donc retiré notre main sous la férule ». Troublé, j’allais cherchant quelqu’un qui m’indiquât le véritable nom. Car, me disais-je, ce n’est pas un nom barbare, et je n’ai jamais entendu dire qu’en Italie il y eût un tel nom de ville. Je l’avais déjà fait remarquer à la vieille. Elle avait ajouté : « Dans cette ville il y a cinq palais ». « À ce que je vois, lui dis-je, il y en a plus de vingt. » Alors elle répéta : « Mais il n’y en a que cinq ». Je n’avais pas encore retrouvé mon valet et ma mule quand je me réveillai. Je ne peux rien apporter de certain, sauf qu’il s’agissait clairement de Rome, ni indiquer à quoi se rapportait ce nom de Bacchetta. Quelqu’un a dit que le mot s’applique à Naples[3]. La confusion de ce songe provenait (176) des circonstances et du sujet pleins de trouble, ou bien de la volonté divine.

  1. Dante expose dans le Convivio, II, 14, un système analogue de correspondances entre les sciences et les planètes, mais, si la Lune répond aussi à la grammaire, la hiérarchie et le dénombrement des sciences se conforment aux divisions traditionnelles du trivium et du quadrivium. Mercure est apparenté à la dialectique, Vénus à la rhétorique, le Soleil à l’arithmétique, Mars à la musique, Jupiter à la géométrie, Saturne à l’astronomie. Plus haut, le ciel étoilé est rapproché de la physique et de la métaphysique, le ciel cristallin de la philosophie morale, et l’empyrée de la science divine.
  2. L’explication donnée dans Somn. Synes. est bien différente : Contigit… ut tunc uiderem me quotquot annulos haberem, praeter duos…, tradidisse hispano mercatori… nec illum pecunias numerasse… Rogaui praenomen illius quod esset ? Ille primum suspensus grauate dicere uidebatur, tandem dixit Stephanum se uocari. Interrogaui postmodum de nomine et illud etiam difficilius exponere uidebatur : tandem dixit de Mes, est autem urbs quae paucis ante annis obsidione graui cincta a Caesare… capi non potuit. (Metz assiégée par les Impériaux en 1552.)
  3. Cf. Somn. Synes. IV, 4 (V, 721) : Tum somno solutus, narrareque somnium cognito, quem tamen a somno incognitum fuisse constat : admirariquo quaenam esset illa cinitas et quale nomen ? ille mihi, Neapolis est. Quid, ego inquam, Bachetae cum Neapoli ?